Protéger le patrimoine du dirigeant d’une société
Que faire pour sauvegarder et éviter une mise en cause personnelle du dirigeant, notamment en cas de fautes de gestion et de dépôt de bilan ?
Le patrimoine privé d’un dirigeant de société est en principe mieux protégé que celui d’un entrepreneur individuel, la société faisant écran avec l’activité professionnelle. Néanmoins, des mesures de prévention s’imposent là aussi pour éviter une mise en cause personnelle, notamment en cas de fautes de gestion ou de dépôt de bilan.
De la responsabilité civile du dirigeant
L’éventail des fautes de gestion qui peuvent être reprochées à un dirigeant de société et qui sont susceptibles de mettre en cause sa responsabilité civile personnelle est très large. Il s’étend de la simple négligence ou imprudence jusqu’aux manœuvres frauduleuses caractérisées.
Il faut distinguer cependant la responsabilité découlant de la gestion courante de la société et celle qui peut être mise en jeu, le cas échéant, à la suite du redressement ou de la liquidation judiciaire de l’entreprise.
– En premier lieu, vous êtes personnellement responsable de vos manquements et de vos fautes. Les actes engageant cette responsabilité sont l’inobservation des dispositions légales ou réglementaires applicables aux sociétés, comme les irrégularités dans la tenue et la présentation des comptes sociaux ou dans la distribution des dividendes. On peut y ajouter la violation des statuts ou une faute de gestion, telle que l’engagement de dépenses trop importantes pour la société. Cette responsabilité civile joue à la fois à l’égard de la société, des actionnaires ou associés, et des tiers (clients, fournisseurs…).
Ainsi, n’importe quel tiers à l’entreprise ou associé qui estime avoir subi un préjudice personnel par votre faute peut intenter contre vous une action en responsabilité. De même, si c’est la société qui a subi un préjudice, un groupe d’associés ou d’actionnaires peut mettre en cause votre responsabilité. Cependant, envers les tiers qui ont contracté avec la société, vous n’êtes personnellement responsable que si vous avez commis une faute extérieure à l’exercice de vos fonctions.
– L’autre volet de la responsabilité civile est celle qui peut être mise en jeu lors de la mise en redressement ou en liquidation judiciaire de la société. Vous pouvez encourir alors des sanctions d’une sévérité variable. Mais si vous avez commis une faute de gestion, même légère, et qu’il existe un lien de causalité entre cette faute et l’insuffisance d’actif de l’entreprise, vous pouvez être condamné à contribuer au comblement du passif social, c’est-à-dire à payer personnellement les dettes de la société.
> Bon à savoir : le choix de collaborateurs incompétents, la perception d’une rémunération excessive au regard de la situation financière de la société, le refus de communiquer des documents sociaux à un associé ou le fait de laisser s’accumuler des pertes jusqu’à la cessation de paiements sont considérés par les juges comme des fautes de gestion.
Minimisez les effets du cautionnement
Le cautionnement est la garantie la plus demandée par les banques car il est facile et rapide à mettre en œuvre. Les banquiers tendent à demander systématiquement la caution des dirigeants de société, mais ils requièrent souvent aussi celle des entrepreneurs individuels – pourtant juridiquement responsables sur leurs biens personnels des dettes de l’entreprise. Selon l’importance du patrimoine de la personne qui se porte caution, cette garantie peut être exigée également du conjoint du chef d’entreprise, d’un associé ou d’un tiers.
Il existe plusieurs types de cautionnement, mais si la personne qui le donne est commerçante, le cautionnement est dit “solidaire” : pour se rembourser, la banque pourra s’adresser, à son choix, soit à l’emprunteur (l’entreprise), soit à la caution. En clair, si votre entreprise ne rembourse plus ses échéances, le banquier pourra se retourner immédiatement contre vous et faire saisir au besoin vos biens personnels, sans se préoccuper de savoir si votre entreprise pourra payer plus tard ou non. Plusieurs précautions s’imposent donc pour limiter les effets du cautionnement.
– Le montant de la dette sur laquelle porte votre engagement peut soit être déterminé s’il s’agit d’un crédit classique, soit indéterminé dans le cas d’un découvert ou d’un cautionnement “tous engagements”. Dans le premier cas, vous ne pourrez être obligé de rembourser que le montant des échéances non encore versées. Mais, dans le second cas, vous serez tenu de rembourser la totalité de la dette, sans aucune limitation. Mieux vaut donc éviter de donner votre caution pour un montant et une durée illimités.
– Essayez de limiter votre garantie au principal de la dette, sans les intérêts. Du reste, si vous ne vous êtes engagé dans la mention manuscrite de l’acte que pour une somme chiffrée, sans autre indication, vous ne pourrez être tenu qu’au paiement de cette somme et la banque ne pourra pas vous faire payer les intérêts.
– Ne donnez pas un cautionnement portant sur 110 % ou 115 % du montant du prêt, comme le demandent parfois des banques pour se couvrir à l’avance des intérêts de retard et des frais de poursuites qu’elles auront à payer si vous ne remboursez plus vos échéances.
> Bon à savoir : la personne qui se porte caution doit être informée par la banque, au moins une fois par an, du montant de l’emprunt restant cautionné. Elle n’aura pas à payer les intérêts du crédit si la banque ne remplit pas cette obligation.
Souscrivez une assurance spécifique
Pour vos responsabilités civiles, vous pouvez vous couvrir en souscrivant une assurance spécifique “RCMS” (responsabilité civile des mandataires sociaux).
L’objet du contrat est de garantir toutes les conséquences financières, y compris les frais de défense et la condamnation à des dommages et intérêts, qui peuvent résulter de votre mise en cause dans l’exercice de vos fonctions, du fait de fautes, d’erreurs ou de manquements professionnels. Si, par exemple, vous êtes coupable d’une faute de gestion et êtes appelé en comblement du passif, l’assureur prend à sa charge le règlement.
En pratique, les contrats de ce type couvrent toutes les conséquences pécuniaires de la mise en cause, dans la limite du montant assuré : frais de défense devant une juridiction civile ou pénale, y compris notamment les frais d’avocat et d’expertise ; les dommages et intérêts auxquels vous pouvez être condamné sur le plan civil ; et également la part de comblement de passif mise à votre charge.
Le montant annuel de la prime varie en fonction du montant de la garantie souscrite et de la situation de la société, avec un minimum de 5 000 euros environ. Mais elle est à la charge de la société et est déductible de son bénéfice imposable lorsque, comme c’est le cas le plus fréquent, c’est elle qui souscrit directement le contrat d’assurance au profit de ses dirigeants.
> Bon à savoir : aucune condamnation pénale relative à une amende ne peut être couverte par le contrat d’assurance. De même, les dommages causés intentionnellement et les dommages physiques ne sont pas couverts, ces derniers étant pris en charge par l’assurance de responsabilité civile de l’entreprise.
Préservez vos proches et vos héritiers
– Si vous avez un conjoint et des enfants, il est nécessaire de les protéger des soucis financiers qu’entraînerait votre disparition ou votre impossibilité à travailler en raison d’une invalidité absolue et définitive. Une assurance-décès, en particulier, peut y remédier : le capital versé par l’assureur leur permettra alors, par exemple, de régler les droits de succession, d’assumer les charges quotidiennes ou de faire face au remboursement d’un emprunt immobilier. Cette assurance peut vous permettre également de préserver votre outil de travail en favorisant un proche, par exemple un associé, qui pourra, grâce au capital perçu, racheter vos parts à vos héritiers de façon à éviter un morcellement de votre entreprise.
– Dans certains cas, le bénéficiaire de l’assurance peut être l’entreprise elle-même : c’est le cas avec la garantie homme-clé, qui assure la pérennité de votre affaire si vous-même ou l’un des collaborateurs indispensables de l’entreprise venait à disparaître. Le contrat est souscrit sur la tête de cette personne et garantit à votre entreprise le versement d’un capital si la personne en question décède ou ne peut plus travailler en raison d’une invalidité absolue et définitive. Ce capital permet, par exemple, de payer l’Urssaf, les fournisseurs ou le fisc, et souvent d’éviter l’arrêt pur et simple de l’activité.
> Bon à savoir : à votre décès, l’entreprise risque de devoir s’arrêter ou de passer en d’autres mains si vos associés ne peuvent racheter vos parts à vos héritiers pour continuer l’exploitation. Vous pouvez donc songer à souscrire un contrat d’assurance-décès sur la tête de votre associé : en cas de décès de l’un ou de l’autre, celui qui restera percevra un capital qui lui permettra de racheter les parts aux héritiers de celui qui est décédé. Il pourra ainsi conserver la totalité de son outil de travail et poursuivre l’exploitation.
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